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#1 19-03-2012 16:10:14

Julburz
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Messages : 86

Terra Infernalis

Tel un motif hypnotique, le balancier de la grande horloge passait devant la vitre compartimentée avec un cliquetis régulier, cran après cran.

Le rendez-vous n'avait pas lieu avant une demi-heure et Antoine patientait sur une longue banquette dans la grande galerie inondée de lumière, révélant les argenteries des miroirs, les tableaux immenses accrochés aux murs, et les riches tentures cramoisies bordant les larges fenêtres de l'Hôtel de la Marine.

Le marbre blanc du sol irradiait une douce chaleur et une torpeur commença lentement à le gagner.

Tout était noir.

Il n'arrivait plus à rassembler ses esprits.

Ses pensées ne formaient plus qu'un amas confus comme les ruines d'un palais effondré. Il se rappelait une auberge de Nouvelle Espérance, la vision d'une concession prospère, lui, signant d'une croix un parchemin, des draps soyeux, une jeune fille nue le chevauchant. Dans trois mois il serait riche. Mais cela lui semblait une éternité, tout était si lointain.

Il ne voyait rien, ses yeux étaient fermés et ses paupières lui faisaient horriblement mal. Il aurait voulu crier mais il n'arrivait qu'à entrouvrir la bouche et c'est à peine s'il entendait ses propres râles au milieu des bruits de pioche et le fracas du métal. Il creusait, il ne savait plus pourquoi, son esprit était embrumé. Mais il savait qu'il devait creuser sans quoi sa peine serait plus douloureuse.

Il entendit des paroles. Elles n'avaient aucun sens pour lui : "Ils arrivent maître Gaspard, ils convergent sur nous en nombre et nous ne pourrons pas les retenir" dit une voix chevrotante.

- Bien, tout est comme il se doit d'être. Accélérez la cadence.

Il se réveilla en sursaut, la bouche sèche, alors qu'un garde lui poussait l'épaule.

- Son Eminence vous attend, monsieur de Merville.



Le cabinet de travail du deuxième homme le plus puissant du royaume était sobre mais élégant. Son occupant tournait délicatement une fine cuillère en argent dans une tasse de thé en porcelaine de Chine.

- Vous dites que le démon semblait posséder un secret. A ce stade les récits sont fragmentés, il y a très peu de survivants de cette désastreuse expédition malheureusement. On m'a même rapporté qu'un pauvre hère, rendu fou par sa longue errance, aurait certifié qu'il avait aperçu une forteresse de basalte, à 3 jours de la mine, en réalité la résidence de Gaspard.

- Je ne sais pas votre Eminence, tout est possible. Ce qui est sûr, c'est qu'il devait compter parmi ses fidèles un ingénieur de haut vol, quand je vois tous les pièges qu'il a mis devant nos pas. Combiné à sa parfaite connaissance de la région et du fleuve, les pertes se sont rapidement élevées. Mais nous n'étions pas seuls. Quand nous pénétrâmes la mine, au milieu des épaves à demis immergées suite au retrait du Foly de la cuvette, nous suivions une traînée de sang laissée par les infidèles et les chiens de Yanluowang.

- c'est à ce moment là que vous avez perdu la trace du démon.

- oui, visiblement il n'était pas le bienvenu non plus parmi ses pairs mais la mine s'effondra alors et nous dûmes fuir.

- qu'avez-vous fait alors ? Comprenez mon cher Antoine, que vous n'êtes que 7 survivants sur les 1 345 contractuels apparaissant dans les registres de taxes du fort de Saint-Marcellin le 19 octobre 1615, et que je n'ai eu aucun témoignage direct jusqu'à présent. D'ailleurs ce fut une grande joie pour moi quand je découvris votre nom parmi eux !

- merci Eminence pour votre sollicitude. Ce qui se passa ensuite….j'avoue que j'ai du mal à comprendre moi-même. C'est comme si on avait brisé mon esprit puis réassemblé dans le désordre, avec des morceaux en moins ou appartenant à quelqu'un d'autre.

Le cardinal de Richelieu observait en silence son élève qui avait le regard perdu dans le vide. Les fosses abyssales pouvaient faire douter les plus dévots. Un long moment s'écoula.

La pendule de la galerie fit entendre son carillon étouffé, sonnant la dixième heure.

- Je me rappelle du…

…vent qui soufflait maintenant de face et lui déformait le visage en une horrible grimace.

Il prie pour ne pas prêter attention à la poussière qui lui brûle les yeux, assèche le nez et irrite la gorge. Pour oublier le froid qui brûle la moindre chair exposée à son mordant et s'insinue lentement entre les vêtements dès que l'on s'arrête de marcher.

"A terre" s'écria la sentinelle. Il eut à peine le temps de tomber à genou. Les tas de pierres et de poussières qui se formaient naturellement le long de la piste étaient soufflés l'un après l'autre. C'est à ça que la sentinelle avait vu l'onde arriver. En Enfer la mort revêt bien des formes. Se doute t'on que la mort ce peut être des tas de poussière qui s'estompent un à un comme les bougies d'un chandelier qu'on éteint ?

Le carillon s'arrêta. Le cardinal aurait presque cru que la température avait chutée mais ce n'était que le fruit de son imagination et sa discipline de fer reprit le dessus, desserrant l'étau glacial qui lui fouaillait les entrailles.

- et ensuite ? pressa-t-il. Vous traquiez les autres qui possédaient les précieux indices à ce moment là.

- oui…au bout de la bande de l'Aquilone nous les avons rejoints. Au milieu du fracas de la bataille une poignée d'entre nous a plongé par l'ouverture entre l'arche.

- on vous a retrouvé dans Pellion le 4 mai 1616, gisant au sein d'un amas de ruines. Vous déliriez et vos sauveteurs ont témoignés que vos crises de démence semblaient focalisées sur une sorte de jugement que vous auriez subit…

- j'avoue que…mes souvenirs sont imprécis. Je me rappelle juste que mes compagnons et moi étions retranchés et que nous attendions tout en chantant des cantiques au Seigneur. Il y a autre chose…

Antoine de Merville sembla hésiter, et, pendant un instant fugace, il apparut qu'il prenait conscience d'une vérité qui sembla s'évanouir immédiatement.

Une larme, dont son élève n'avait pas conscience, coulait le long de sa joue. Le cardinal, fasciné, la regarda rouler puis disparaître. Il tourna son regard vers la fenêtre.

On entendait le bruit affairé de la rue, le clapot des cavaliers, les cris des marchands, les annonces publiques.

- Antoine, partez dans votre domaine de Fontainebleau vous reposer quelque temps. La Nouvelle Jérusalem attendra bien d'ici là.

Antoine de Merville se leva, l'entrevue était terminée. Il s'apprêtait à sortir quand un dernier remord lui fit dire :

- Eminence, qu'allez-vous faire maintenant ?

Richelieu lui sourit.

- Rassembler les indices mon ami, rassembler les indices. Nous allons y retourner.

Dernière modification par Julburz (20-03-2012 00:34:49)

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#2 31-03-2012 23:57:52

crad le barbare
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Re : Terra Infernalis

Sympathique petit récit plein de mystères !!!   smile

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